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UT

Je venais d’écrire un texte très compact, condensé, endeuillé (« Je vous remercie merci ») et je n’arrivais pas à retrouver le mouvement, le déploiement, le souffle dans l’écriture alors j’ai eu l’idée de prendre un dictaphone et d’enregistrer ma voix et ses silences chaque jour pendant trente minutes, assise sur mon lit, avec le pari que cela aboutirait à un livre qui passe de l’oralité directement à l’écriture littéraire, une contrainte que je me suis fixée pendant environ six mois, je me suis familiarisée avec l’objet d’enregistrement comme si c’était un ami, un confident, une personne et j’ai longtemps regretté de l’avoir perdu, concrètement perdu, je m’étais attachée à cette forme « improvisée », il m’a fallu beaucoup de temps pour retranscrire ces instantanés vocaux, pour créer une forme, un récit, une histoire adressée. Ariane Dreyfus écrit en quatrième de couverture : Isabelle Pinçon ne veut que l’apparition, que la voix qui vient. C’est-à-dire qu’elle ne veut que l’interlocuteur. Condition d’existence concrète. S’adresser enlève l’écorce : « Avec vous, c’est moi ». Formidable et paradoxal singulier.

Je suis remplie de choses à oublier.
Ecrire un livre occupé de voix, préoccupé.
Je me suis installée sur le lit, j’enlève ma jupe.
Ce que je peux voir de vous, c’est peu de choses.
Je vous vouvoie parce que je ne vous connais pas.
Je viens de remuer légèrement, ma main sur la cuisse.
Il y a un vent terrible.
Quand j’aurai accumulé ma voix.
Je commence un livre qui parle.
Un livre sur parole.

***
Rien ne sera écrit sans d’abord vous.
Vous entendez ?
Je parle doucement, je ne peux pas forcer.
Rien archiver.
Empilements légers qui jouent avec le vent.
Débrouillez-vous.
Ecoutez-moi consciencieusement.
Rien à l’avance.
La couette rouge sur laquelle je m’installe. Un
Gros coussin vert taché, les jambes nues, je marche,
je suis en marche.

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