Chambre zérosix

La chambre zérosix, deux chiffres pour un même lieu, une chambre d’hôpital, celle où mon père que je nomme Lhommenmourance a vécu ses derniers jours, j’étais là tous les jours pendant dix jours, je le regardais dormir, disparaître puis se reprendre, se redresser, j’étais là quand il se taisait ou qu’il parlait ou essayait de manger, mon ordinateur était notre lien, il savait que j’écrivais sur lui, pour lui, ce qu’il disait, ce qu’il faisait ou l’inverse, son immobilité, je prenais tout, je voyais tout, j’honorais son courage, sa persévérance, nous nous préparions lentement à nous quitter, dans la tendresse, presque naturellement, extraordinairement je pourrais dire, il m’a fait ce cadeau de fin de vie de s’offrir à mon regard, ce que signifie être en train de mourir, de se mourir.
La construction est sans ponctuation mais avec des blancs entre les phrases qui disent le travail de deuil qui s’amorce ou du côté de mon père l’acheminement vers la fin de vie, ce sont des blancs en partage.
Le texte a été mis en scène un an après son décès par la compagnie La Réserve dans le cadre de la fête du livre à Saint Etienne en 2011, c’était un moment formidable, la voix de mon père (du comédien) était enregistrée et c’est comme s’il était là, avec moi, avec les spectateurs si bien qu’au moment des applaudissements, je n’ai pas compris qu’il ne vienne pas saluer avec les autres.