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C’est curieux

A partir de la phrase « Je trouve cela curieux de passer son temps à être un homme » qui m’est tombée du ciel en marchant dans une rue pavée de Lyon, Jean-Pierre Siméon écrit : Avec le regard précis et fouineur d’un entomologiste, la narratrice observe dans ses états quotidiens cette chose étrange, fragile, insaisissable et au vrai un peu ridicule : un homme aimé. Il y a une franche gourmandise et une ironie joyeuse dans cette manière de croquer, en instantanés nets et vifs, l’objet du désir… ».

Quand l’homme m’a donné le bulbe
énorme, je l’ai posé dans un angle de mon
appartement comme on pose un coussin
ou un magazine. Je n’y ai plus pensé. Un
jour, l’homme est revenu me demander des
nouvelles du bulbe énorme. On est allés voir
ensemble. Par le haut du bulbe sortait un
tronc gros comme celui d’un chêne, par
le bas des racines blanches qui rampaient
jusqu’au piano. J’ai dit à l’homme : « C’est
curieux, je n’avais encore rien remarqué ! »
Il m’a répondu qu’en matière de bulbe, il
fallait s’attendre à tout.

***

Il y a des mains qui sont mortes et
d’autres pas. Il faut de l’expérience pour se
rendre compte. Quand l’homme tend sa main
la première fois, elle est chaude et blanche
avec cinq doigts bien distincts. La deuxième
fois comme il insiste davantage, on a le
temps de remonter un peu le long du bras
mais ça n’est pas suffisant. La troisième fois,
alors qu’on espère le contact de la main
prolongé, il présente une autre portion de
lui-même, la bouche ou le sexe, cela dépend
de son tempérament. Quand l’homme me
serre dans ses bras la quatrième fois en
disant « je t’aime », c’est à ce moment-là
que la main se décide. Soit elle reste accrochée
aux mots de l’homme, soit elle tombe comme
une feuille morte.
C’est curieux toutes ces mains par terre
en automne.

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