le dé bleu, 1996
Couverture : linogravure de l’autrice
Je suis allongée de tout mon long sur le
trottoir. Morte depuis très peu de temps.
Les gens me tournent autour et c’est là
que tout m’apparaît : leurs chaussures mal
cirées, les chaussettes en tire-bouchon, les
collants filés.
***
Ils ont emporté tout ce que j’avais en
double et je me suis retrouvée sur le par-
king avec le strict minimum : une seule
chaussure, une seule chaussette, un seul
pied, une seule jambe, un seul bras, une
seule oreille, un seul regard, une seule
larme.
Avant de filer, ils ont crié : « T’as encore de
la chance qu’on te laisse le cœur ! »
Alors j’ai eu l’idée de fouiller dedans avec
la seule main qui me restait et j’ai tout
retrouvé.
Extraits de Tu dis :
tu dis dans un grand sac tient le
monde mais je n’y suis pas cherche tu
verras je construis des maison avec des
poèmes sous les tuiles des cirques à
répétition
tu dis je marche à l’envers du visible
et pourtant ça tourne pour nous deux ça
tourne autour du soleil tu m’aimes en te
promenant ? qu’est-ce que tu charries
derrière tes yeux derrière le bleu à tout crin ?
et parle-moi de cette femme sur ta nuque
on ne sculpte pas le soleil viens plus près
c’est brûlant là au coin du vent c’est comme
une maison de poupée on s’agrippe
et tout bascule la mer le sel tes yeux au
large la nuit n’entre pas
tu dis je ne rêve que de toi et moi
je stocke des bouts de papier pour exister je
creuse je creuse profond je t’aime
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